CARTE POSTALE
Mais qui fait trébucher un de ces petits qui adhère à moi,
il aurait intérêt à ce
qu’une meule d’âne
soit pendu à son cou
et qu’il coule dans le gouffre de la mer.
(MATYAS 18,
6)
L’autre jour
passant par le passé et par un sale automne
-maldonne ! Amie ma bonne-
j’ai chu sans préméditation
après
avoir glissé tout dru
dans des pelures d’oignons…
Et ce juste à deux pas du pom-pom-pe funèbre,
celui qui
est vert d’un ictère.
Ejecté de sa boîte il accourut sur moi gisant à même la dalle,
le mètre-ruban sur l’épaule en bégayant d’aise et d’espoir :
« Hou la-la
le fu-fu
le futur
Macca-ca
Macchabée ! »
Pressentant qu’il envisageait pour moi tout de go
quelque bière écologique issue des technologies propres,
du recyclage,
des énergies
renouvelables,
et tout bien naturellement
auto-biodégradable ;
me dressant sur les coudes
j’avisai son œil demi-deuil
et sa face de potimarron.
Je pensai, déprimé :
« horreur que l’aurore du croque-mort
spéculant sur le ventre des morts ! »
Mais tout à coup de l’orgue à l’église d’â côté
grouilla quelque lamentabilé bilieux
sous les doigts crochus tripoteurs
de l’organiste canonique orgasmatique
ne favorisant de son art
que penchant militant pour la pédale et tripotage du Larigot…
Bourdonnant comme une soudbasse de trente-deux pieds
je lançais des « frou ! » courroucés
pour chasser ce sale charognard.
Puis
je m’en fus
-hagard et pour la rime-
m’engloutir dans la gare
sans avoir descendu la moindre bière ni même
cassé la dalle.
Brr !
Cochonnerie de passé !
Purée de Purgatoire à la tribune d’un ogre d’orgue !
Les
toccatas caqueuses :
adieu Frescobaldi voici Frescobalda tellement fripé
que c’en est du bal-à-papa !
Vermine pas pieuse que ces dimanches après-midi
chez ce vieux dévoyé
susurrant dans la demi-obscurité de la salle
à manger
des confidences à l’ancien chapelier !
Alors que mon désir à moi
aurait été de déflorer la p’tite Marlène
de l’hôtel
d’à côté.
« Laissez les
morts ensevelir les morts ! »
a dit Iéshoua’.
Bien fait pour moi, pour ma stupidité
à vouloir exorciser
l’enfer du passé !
Adieu ou bien plutôt « à diable ! »
les organistes
de
Sodome et Gomorrhe
pontifiant, bondieusant sur leur fumier !
Allez, c’est confessé, c’est pardonné, c’est pardonné !
Mais « frou ! »,
mais « brr ! » foutez le camp
organistes orgasmatiques !
Foutez le camp sales bêtes
que je puisse oublier !
Entonnez un cantique nouveau !
Faites
entendre le tambourin,
l’harmonieux instrument à douze cordes
avec la harpe !
Sonnez de la trompette pour
Dieu, sonnez !
Mais, jamais au grand jamais :
ne Le provoquez plus avec l’orgie des orgues
de Sodome et Gomorrhe !
Avril 1992
___________
SODOME ET GOMORRHE !
« Montre de 4, Bourdon de 8 et le Prestant ! »
susurre le vieil hibou au jeun hibou son successeur
-son
« sexe suceur » -
Et tout cela dans le mystère lubrique
de la tribune de l’orgue.
« Souviens-toi tujurs que nous sommes
là pur
la plus grande gloire de Dieu.
Et notre amur à tut les deux
est
même au-dessus de l’autel ».
Frétillant
de la queue sur la Bombarde,
Satan
-le Cornet de guingois,
le Clairon de travers,
le Nazard en goguette-
s’écrie : « cuit-cuit le vieil hibou, cuit-cuit le jeune hibou ! »
Cependant que ces deux là, là-bas, trala-la-la,
s’en tamponnent le Quintaton.
Ingambes de la pédale et sur la Gambe,
ils jouent de la rotule
en Tierce,
en Quarte,
avec les Fournitures et la Doublette et la Cymbale ;
et la Trompette et le Cromorne
et la Vox du Vieux-rat.
Car il approche le tricentenaire de leur
organe
-pardon : le tricentenaire de l’orgue-
Libidineux ils
s’en vont tous deux jubilant
sans se douter que peu de temps après,
une fameuses bataille contre l’envahisseur
passera par les flammes
et l’église et son orgue historique.
« Sceaux d’eau mégots morts »
dirait Prévert…
Extraits de « LE PRÉSENT ETERNEL » - JePublie – 2009